Méthodologie

Vauban, sous l'axe de l'inclusivité

Mobilités et voiries au service de la mixité sociale
Le quartier Vauban est un modèle d’urbanisme durable, notamment pour sa gestion des mobilités et transports. La planification repose sur la réduction de l’usage de la voiture, en planifiant des réseaux de circulation variés et des places de stationnements limités sur rue. Les usagers sont invités à se stationner dans des stationnements étagés en périphérie du quartier, ce qui emmène les usagers à se questionner sur la nécessité d’utiliser l’automobile tous les jours. De plus, le quartier fait écho au concept « Transit-oriented development » de Peter Calthorpe (1993), principalement pour l’instauration d’un tramway en son cœur. Ce réseau de transports complexe et mixte accommode les besoins variés des différents usagers, tels que les familles, étudiants et personnes âgées. C’est l’exemple d’une mesure durable favorisant l’inclusivité des différents groupes sociaux.
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L’analyse de la voirie permet de comprendre que 50 % des voies sont réservés aux piétons et cyclistes, et que le 50 % restants de rues où les automobilistes peuvent circuler sont planifié comme des rues partagées, ce qui fait de Vauban une « ville à échelle humaine » (Gehl, 2010).
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D’abord, le réseau piéton servant de parcours d’implantation permet des espaces appropriables où tous sont invités à participer à la vie sociale du quartier. L’absence de voiture de ces parcours permet d’en faire « des rues de jeux » (Résidente du quartier, 2018)[1], soit des lieux d’épanouissement pour les jeunes. Cette dynamique illustre le concept de « città dei bambini », « ville des enfants » en français, de Francesco Tonucci (1996), où en concevant pour le bien être des plus vulnérables on assure leur inclusion et cela permet des bénéfices pour l’ensemble du quartier.
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[1] Comment la caserne Vauban est devenue écoquartier [vidéo], France 3 Grand Est, 2018, 3 min 38 s, YouTube, https://www.youtube.com/watch?v=A4w8jp9Nf_I
Plan des circulations

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Figure 1. Moving people efficiently. (NYC street design, 2024)
Puis, le réseau de rue admissible à l’automobile incarne le concept de rue partagée, de l’idéologie jusqu’à l’échelle de la matérialisation de la rue. Les corridors piétons ne sont pas surhaussés par rapport à la voie automobile, floutant la limite entre les différents usagers, ce qui est une manifestation du partage de la rue. Cette mesure permet un parcours sans obstacle pour les usagers à mobilités réduites ou les familles en poussette par exemple. En revanche, une zone de parement rugueux entre les deux voies marque le changement dans le but d’orienter les personnes mal voyantes. Dans le même ordre d’idée, sur les chemins d’implantations ce sont des caniveaux qui marquent le changement entre espace public et terrain privés, et qui guident les usagers. Cette approche place les plus vulnérables au premier plan dans la conception, et améliore la porosité urbaine, où l’ensemble du réseau est réfléchi de façon fluide et perméable favorisant les interactions sociales et l’appropriation citoyenne des espaces publics. La perméabilité, tel que définie par Bentley (1985), comprend l’accessibilité favorable d’un lieu par les liens physiques lui accédant. Dans le cas de Vauban, la matérialisation des rues partagées, combiné à la trame de rue piétonne, favorise une circulation libre et efficace du quartier.
La gestion durable de la mobilité du quartier Vauban est un vecteur d’inclusion sociale. En intégrant des modes de transport variés et en réduisant la place de la voiture, il crée un environnement propice à la mixité sociale et à l’appropriation citoyenne. Ce modèle illustre comment les intentions de design urbain répondent à la fois aux enjeux environnementaux et sociaux de la ville.




Figures 3,4 & 5. Rue partagée à Vauban. (Imaginer le Québec autrement, 2024)
La nature comme moteur d'appropriation
Le quartier de Vauban est l’un des exemples les plus réussis d’un quartier intégrant la nature au cœur de son développement urbain. Dès sa consolidation, il s’est distingué par son ambition à préserver son patrimoine naturel existant, tout en ajoutant de nouvelles installations. Le tout, offrant une omniprésence de verdure à l’ensemble des citoyens.
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La végétation joue un rôle crucial dans la gestion des eaux pluviales, la purification de l'air et la création d'un microclimat agréable. Les tranchées végétalisées, les bassins de récupération des eaux de pluies et les toits verts contribuent à un cycle de l'eau plus sain tout en réduisent l'impact des fortes pluies. Cette verdure améliore considérablement la qualité de l'air et contribue à la résilience environnementale du quartier. (Friley. E. 2014) « Le vert est partout: dans la rue, au pied des immeubles, le long des murs, dans les balcons et jusqu'aux toits-terrasses et toitures végétalisées.» (Association Hesp'ère 2009)
Figure 6. Végétation luxuriante de Vauban

Association Hesp’ère. L’écoquartier Vauban à Fribourg. 2009
Selon Lynch, l'une des qualités clés qui rendent un espace compréhensible, clair et facile à s’orienter est liée à la lisibilité urbaine, en particulier aux textures qui la composent. Dans le quartier Vauban, la végétation qui pousse sur les murs crée une signature visuelle unique, contribuant à la lisibilité du quartier (Lynch, K., 1960). Cette texture végétale imprègne nos souvenirs du lieu, facilitant l'orientation et renforçant le sentiment d'appartenance des habitants.


Figure 7 8 9. Façades végétalisées
ADEUPa Brest. 2000. Flickr
Green City Hotel Vauban. 2024

ADEUPa Brest. 2000. Flickr
Vauban offre une diversité d'espaces verts, allant des places publiques animées à des espaces plus intimes comme des jardins communautaires ou des sentiers naturels, appropriables par les résidents. Les Baugruppen ont également créé des espaces semi-publics tels que des cours intérieures et des jardins collectifs, qui encore une fois selon Lynch, contribuent à l'appropriation des lieux à une échelle plus réduite, tout en renforçant les liens de voisinage et le sentiment d'appartenance à une communauté. Bordées de commerces et de services, ces places contribuent à la vitalité sociale et économique du quartier. ​
Figure 10. Hiérarchie de végétation
Espace vert - public/collectif/privé
Allée végétalisée
Allée piétonne
Place publique


The Urban Masterplanning Handbook. 2014
Figure 11. Structure urbaine

Association Hesp’ère. L’écoquartier Vauban à Fribourg. 2009
​Le quartier Vauban met en avant plusieurs lieux qui favorisent l'appropriation par les habitants et servent de points de rassemblement. Parmi ces lieux, on retrouve :
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Les rues partagées : Ces rues étroites en forme de U, limitent l’accès aux voitures, créent un espace sécurisé pour les enfants et favorisent l'interaction entre voisins.
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Les parcs conçus par les résidents : 5 parcs centraux traversent le quartier du nord au sud, offrant des espaces de jeux, de détente et de connexion avec la nature.
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Les jardins: Les jardins au cœur d’ilôt sont soit privés, appartenant au logement du rez-de-chaussée, soit collectifs, appartenant à un ou à plusieurs immeubles. Ils permettent aux résidents de personnaliser leur espace et de se connecter à la nature.
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Les balcons : Offrant un espace extérieur privatif.
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Le centre communautaire Haus 37 : Ancienne caserne militaire, ce centre communautaire autogéré symbolise l'engagement des habitants dans la vie du quartier.
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La place Alfred-Döblin-Platz : Place centrale du quartier, elle accueille entre autres le marché ainsi que plusieurs événements communautaires.
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L'école primaire Caroline-Kaspar-Schule : Elle sert également de centre de réunion communautaire, renforçant le lien entre l'école et le quartier.
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La place Paula-Modersohn-Platz :Située devant l'école, elle connecte l'école à un arrêt de transport en commun et divers commerces.
Figure 12. Lieux d'appropriation citoyenne

Selon Ian Bentley et al., dans Responsive Environments (1985), il est essentiel de créer des environnements flexibles et adaptables aux besoins évolutifs des communautés. Vauban illustre cette approche par ses espaces polyvalents qui permettent une cohabitation harmonieuse et diverse, assurant une robustesse urbaine qui répond aux exigences contemporaines tout en restant prête à évoluer. La division du site en petites parcelles et la vente de ces parcelles à des Baugruppen (coopératives d'habitation) ont permis une plus grande flexibilité dans la conception et la construction des bâtiments. Chaque Baugruppe a pu adapter son projet à ses besoins spécifiques, contribuant ainsi à la diversité architecturale, sociale et urbaine du quartier. Des initiatives tel que des fours à pizza collectifs situés dans les espaces verts témoignent d'ailleurs de cet intérêt et de cet appropriation communautaire.
Figure 13 à 19. Parc central appropriable par les citoyens

Association Hesp’ère. L’écoquartier Vauban à Fribourg. 2009.



ADEUPa Brest. 2000. Flickr

ADEUPa Brest. 2000. Flickr
ADEUPa Brest. 2000. Flickr
ADEUPa Brest. 2000. Flickr
L'histoire de Vauban est intrinsèquement liée à l'appropriation citoyenne. Suite au départ des forces françaises en 1992, la ville de Fribourg a acquis le site avec l'intention initiale de le développer selon un modèle similaire à celui du quartier voisin : Rieselfeld. Cependant, un groupe de citoyens engagés, réunis sous la bannière du Forum Vauban, a plaidé pour des mesures plus radicales en matière de mobilité durable, notamment : la réduction de la place de la voiture et la création d'espaces publics sécurisés pour les enfants. Cette mobilisation citoyenne a eu un impact significatif sur la planification de Vauban, témoignant de la volonté des habitants de s'approprier le futur quartier (Darchen. S. 2019). Le Forum Vauban a joué un rôle central dans la promotion de la participation citoyenne, organisant des réunions, des consultations et des ateliers pour impliquer les habitants dans le processus de planification. Cette démarche a permis d'intégrer les aspirations des citoyens, contribuant ainsi à la création d'un quartier à leur image. La création des Baugruppen, des coopératives d'habitation auto-organisées, constitue un exemple tangible de cette participation active. Les membres des Baugruppen ont pu concevoir et construire leurs propres logements, favorisant ainsi un sentiment de propriété et d'appartenance au quartier. (Lutz. E. 2021) (Geschichte - stadtteil-vauban.de)
Figure 20. Centre communautaire Haus 037

“Solaranlage Auf Dem Dach Des Haus 37, 2022. https://haus37.de/solaranlage/.
Henri Lefebvre, dans Le Droit à la ville (1968), théorise la ville comme un espace à approprier par ses habitants. Dans le quartier Vauban, cette philosophie se traduit par une participation citoyenne active où les résidents ne sont pas de simples bénéficiaires mais des acteurs essentiels dans la conception et l'évolution de leur environnement. Des forums citoyens, des ateliers de planification et des associations de quartier ont permis aux habitants de faire entendre leur voix et de contribuer à la création d'un quartier à leur image. Encore aujourd’hui, l’on retrouve plus de 18 associations, un journal de quartier, ainsi que plusieurs projets citoyens tout au long de l’année. (Association du district de Vauban)
Figure 21. Associations et groupes à Vauban

Association Hesp’ère. L’écoquartier Vauban à Fribourg. 2009.
Figure 22. Journal de quartier

Lutz, “Stadtteilverein Vauban e.V. in Freiburg.
Le quartier Vauban illustre brillamment comment l'intégration de la nature peut transformer un espace urbain en un lieu dynamique et durable. Depuis sa conception, Vauban a adopté une approche ambitieuse qui combine la préservation de la végétation existante avec la création de nouveaux espaces, générant ainsi une omniprésence de verdure. Vauban se distingue par sa diversité d'espaces, de lieux d'appropriation et de rassemblement. La flexibilité et l'adaptabilité du quartier, assurées des espaces polyvalents, répondent aux besoins évolutifs des habitants, illustrant ainsi une robustesse urbaine. L'appropriation citoyenne active, soutenue par des forums et des ateliers, permet de créer un quartier à l'image des résidents. En somme, Vauban démontre comment une approche durable et participative peut améliorer la qualité de vie, renforcer les liens sociaux et transformer un espace urbain en un lieu harmonieux et dynamique.
Figure 22. Marché de Vauban 2019

Herzberg Mediendesign. “VAUBAN MANUFACTURING MARKET 2019.
https://quartiersarbeit-vauban.de/vauban-herbstflohmarkt-2020/
Types bâti & mixité
Vauban représente un modèle d'urbanisme durable, démontrant comment un design intégré et des normes écologiques élevées peuvent transformer un espace urbain en un quartier multifonctionnel et attractif. Le quartier combine des éléments d'écologie, de diversité fonctionnelle et de qualité de vie, avec un objectif affirmé de favoriser une mixité sociale. Cependant, pour s'aligner pleinement à ses ambitions initiales, des ajustements doivent être réalisés pour surmonter certaines limites liées à son homogénéisation sociale, et garantir une véritable diversité sociale et culturelle.
Vauban offre un cadre de vie harmonieux, soutenu par une planification centrée sur la proximité et la diversité des usages. Le quartier s'étend sur une superficie de 40 hectares et comprend environ 2000 logements, accueillant une population d'environ 6 000 habitants. Il dispose également d'infrastructures clés, telles qu'une école primaire, des garderies, un marché bio, un centre commercial, et plusieurs maisons de quartier. Ces équipements sont conçus pour répondre aux besoins variés des habitants et encourager les interactions sociales.

La mixité fonctionnelle du quartier se reflète dans ses nombreux espaces publics, dont 6 hectares sont dédiés à des espaces verts. Ces espaces, en plus de renforcer le bien-être des résidents, favorisent une bonne accessibilité piétonne et cyclable, permettant de réduire les distances et de créer un environnement favorable à la convivialité.
Le quartier affiche également une densité maîtrisée, avec des coefficients d'emprise au sol de 0,5 et d'utilisation de 1,4, ce qui permet une utilisation optimisée de l'espace sans sacrifier la qualité de vie des résidents.
Vauban illustre une approche diversifiée en matière de formes urbaine, évitant une homogénéité structurelle souvent associée aux lotissements traditionnels. Environ 70 % des terrains ont été attribués à des maîtres d'ouvrage privés, favorisant la réalisation de projets à échelle humaine et adaptés aux besoins individuels.
Les typologies d’habitat incluent:
• Projets individuels, sur des parcelles de 6 à 9 mètres de large, permettant une conception personnalisée des logements.
• Immeubles collectifs, souvent développés par des groupes de construction, combinant des unités d’habitation en duplex, accessibles via des coursives extérieures. Ces bâtiments, généralement de quatre étages, reflètent une volonté de favoriser les communautés de voisins.
• Logements locatifs et coopératifs, offrant des solutions pour des modèles économiques variés, y compris des formes intermédiaires basées sur des coopératives.
Les bâtiments de cinq étages, plafonnés à 15 mètres de hauteur, ont été exclusivement attribués à des groupes de construction et des promoteurs immobiliers, garantissant une densité équilibrée. Cette variété dans les formes s’inscrit dans l’objectif de mixité sociale et fonctionnelle, même si des disparités demeurent dans la composition démographique du quartier.
Le développement rapide des infrastructures sociales à Vauban a été un facteur clé pour attirer et fidéliser les résidents. Parmi les équipements notables:
• Une école primaire, adaptée à la croissance démographique, accueillant jusqu’à six classes par niveau dès 2000.
• Trois jardins d’enfants, chacun composé de six groupes, construits entre 1999 et 2001.
• Les maisons de quartiers / des citoyenns, installées dans un ancien bâtiment d’équipage, devenue un espace central pour les associations, les événements communautaires, et les services religieux œcuméniques.




Figures: Diversité d’usages dans le quartier : garderie, marché et espaces de loisirs
Vauban se distingue également par sa jeunesse : environ 30 % de ses habitants ont moins de 18 ans, faisant du quartier l’un des plus riches en enfants à Fribourg.
Ces infrastructures sociales renforcent la cohésion communautaire et facilitent les interactions intergénérationnelles, un aspect essentiel pour un quartier durable.
Vauban a mis en place un système de financement solidaire visant à favoriser l’accès à des logements pour les ménages modestes. Par exemple, la coopérative SUSI propose 45 logements pour les ménages à faibles revenus, tandis que la coopérative Genova offre 75 logements pour les personnes âgées et handicapées. Cependant, la mixité sociale reste partielle, ce qui constitue l'une des principales limites du quartier.
Les statistiques de la composition sociale révèlent des déséquilibres notables : environ 55 % de la population sont des cadres supérieurs, tandis que 25 % sont des ouvriers, employés et fonctionnaires, et 10 % occupent des professions libérales. De plus, il existe une forte prédominance de ménages avec enfants (65 %), tandis que seulement 25 % des foyers sont sans enfants et 10 % sont des parents célibataires. Le quartier dispose de peu de logements pour personnes seules, notamment des logements d’une à deux pièces.
Bien que la mixité sociale soit partiellement atteinte, des initiatives comme la "Cohabitation des Vieux et des Jeunes", qui intègrent des modèles intergénérationnels, enrichissent cependant le tissu social du quartier. Ces projets contribuent à une dynamique sociale plus inclusive et favorisent les échanges entre les générations.
Le quartier se distingue par une mixité d'usages qui inclut des commerces, des services et de l'artisanat, générant environ 600 emplois locaux. Cette dynamique renforce l'autonomie économique de Vauban, tout en réduisant la nécessité de déplacements longs. De plus, la présence d’emplois locaux contribue à l'animation du quartier, un aspect essentiel pour créer un environnement de vie actif et attrayant.