Cadre théorique

Concepts clés
Ville inclusive et hospitalière
Selon Villes inclusives et accessibles (2019), produit pour le Congrès de CGLU, sommet mondial des dirigeants locaux et régionaux :
« Une ville inclusive et accessible est un lieu où chacun, indépendamment de ses moyens économiques, de son genre, de son appartenance ethnique, de ses capacités, de son âge, de son identité sexuelle, de son statut migratoire ou de sa religion, est habilité à participer pleinement aux opportunités sociales, économiques, culturelles et politiques que les villes ont à offrir. » Pour atteindre cet objectif, il est crucial d’intégrer plusieurs concepts interconnectés : la participation citoyenne, la mixité sociale et fonctionnelle, ainsi que la résilience urbaine et environnementale.
La Résilience Urbaine
La résilience urbaine est essentielle pour bâtir des villes inclusives et durables. Elle permet aux communautés de s'adapter et de prospérer face aux défis contemporains tels que les changements climatiques, les crises sanitaires et les catastrophes naturelles. Une ville inclusive et résiliente garantit que tous ses habitants, y compris les plus vulnérables, ont accès aux services essentiels et aux infrastructures nécessaires pour faire face aux crises. L’Objectif de Développement Durable 11 des Nations Unies (2024) vise à « faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ». Selon cet objectif, la création d’espaces publics adaptés et de systèmes de transport en commun efficaces est essentielle. L’article précise également que la participation citoyenne est un levier fondamental pour atteindre ces objectifs, reliant ainsi résilience et inclusion.
Mixité Sociale
La mixité sociale désigne la cohabitation, dans un même espace urbain, de populations aux profils socio-économiques divers. Ce concept vise à éviter la ségrégation spatiale et à promouvoir l’inclusion. Selon une étude publiée dans la Revue française des affaires sociales (2001), la mixité sociale est devenue un objectif central des politiques urbaines, cherchant à équilibrer la répartition des logements sociaux pour favoriser la diversité sociale et lutter contre les disparités. La mixité sociale a ainsi été identifiée comme une solution efficace pour remédier aux nombreux dommages engendrés par la ségrégation dans certaines villes françaises. Ce concept est d’autant plus pertinent qu’il contribue à renforcer la cohésion sociale, essentielle pour le développement harmonieux des villes.
Mixité des Services
La mixité fonctionnelle, ou mixité des services, favorise la coexistence d’activités variées — résidentielles, commerciales, éducatives — au sein d’un même espace urbain. Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, donner plus de chances aux gens d’interagir entre eux augmente les liens communautaires.
Selon l’étude Citizen Participation in Neighborhood Development, cette approche encourage les rencontres et interactions entre des personnes de différents horizons, renforçant ainsi la cohésion sociale et luttant contre la ségrégation. De plus, la mixité fonctionnelle est liée à la résilience écologique. En combinant habitations en étages et commerces au rez-de-chaussée, elle permet de réduire l'empreinte au sol des infrastructures urbaines, contribuant à une utilisation plus durable des espaces urbains (Guide Outil : Mixer les Fonctions, les Pratiques et les Usages Urbains, 2024).
La Participation Citoyenne
La participation citoyenne constitue un pilier central dans la construction des villes inclusives. Un article scientifique intitulé Participation citoyenne et recherches participatives dans le champ des inégalités sociales (2018) conclut que la diminution des injustices et des inégalités passe par l’action citoyenne. En effet, une inclusion active favorise une gouvernance démocratique et renforce le sentiment d’appartenance communautaire. De plus, des architectes et urbanistes tels que Jan Gehl, dans son livre Cities for People (2011), affirment que la présence d’espaces communautaires, où les habitants peuvent s’exprimer et interagir, est cruciale pour une ville adaptée à tous. Finalement, une recherche sur la revitalisation urbaine intégrée (Chevrier, E.-I., 2023) d’un quartier démontre que la mobilisation citoyenne contribue à la réduction de la pauvreté et de l’exclusion sociale.
Résilience, quartier écologique & ville durable
Les changements climatiques intensifient les crises environnementales, sociales et économiques. Cela menace la survie des écosystèmes et la qualité de vie des populations. Ces conditions climatiques extrêmes, combiné à l’enjeux d’urbanisation croissante, demande une révision de nos façons d’habiter et de notre gestion des ressources. L’écoquartier et la ville durable doivent servir de modèle.
Les concepts d’écoquartier et de ville durable invitent les usagers à avoir une approche intégrée, fondée sur les principes de cohérence, d’amélioration continue et de gouvernance partagée, relevant l’interdépendance entre les dimensions environnementales, économiques et politiques du développement durable (Charlot, 2012). La ville durable guide les politiques d’aménagement, d’éducation, de formation, de solidarité et d’emploi, ce qui illustre le besoin de comprendre l’implication large d’une approche durable sur l’environnement urbain (Charlot, 2012). « Plusieurs thèmes sont récurrents à la ville durable et apparaissent dans la plupart des études : ville compacte, mixité sociale et fonctionnelle, gestion économe et efficace des ressources, participation, maîtrise de la mobilité » (Charlot, 2012).
La ville durable se définie aussi par sa résilience. Le concept de résilience comprend la capacité d’un système à faire face aux catastrophes, à n’en développer des capacités « [d’] apprentissage et [d’] anticipation » (Dauphiné & Provitolo, 2007), et la capacité de ce « système à conserver sa structure qualitative » (Holling, 1973). La définition américaine du terme resiliency « unit des qualités d’élasticité, de ressort, de ressources et de bonne humeur » (Claudel, 1965). Le concept de résilience ne perçoit pas les catastrophes nécessairement comme négatif parce qu’elles demandent à l’innovation et l’apprentissage. « La résilience des infrastructures et des bâtiments repose sur leur capacité de : i) résister, ii) de minimiser, iii) de se remettre ou iv) de s’adapter à un événement météorologique extrême (Tien et al., 2018b) » (Dubois, 2020). La résilience urbaine renforce donc la capacité des villes à rebondir face aux crises, ce qui assure la pérennité des mesures durables.

Mixité sociale & fonctionnelle
La diversité de l'habitat et la mixité urbaine ont émergé dans le cadre des politiques urbaines des années 1990, en réponse aux défis croissants de ségrégation socio-spatiale et d'exclusion (Legrand, M., Meunier-Chabert, M., 2019; Beaucire, F., Desjardins, X. 2014). Ces notions, devenues centrales dans les réflexions sur la ville contemporaine, traduisent une volonté de promouvoir des environnements urbains plus inclusifs et équilibrés. La diversité de l'habitat se concentre sur la diversification de l'offre de logements, afin de garantir un accès équitable à un logement décent pour tous, indépendamment des ressources économiques ou des origines sociales des ménages (Legrand, M., Meunier-Chabert, M., 2019).
La mixité urbaine, quant à elle, met en avant l'importance de la coexistence de fonctions variées au sein des quartiers, à travers une offre diversifiée de services et d'équipements urbains (Legrand, M., Meunier-Chabert, M., 2019). Ces concepts, intégrés dans des dispositifs tels que la Loi d’Orientation pour la Ville (LOV) en France, visent à contrer les mécanismes d’exclusion en favorisant une répartition harmonieuse des usages et des populations.
La diversité de l'habitat repose sur une mixité résidentielle, combinant logements privés et sociaux, locatifs et en propriété (Legrand, M., Meunier-Chabert, M., 2019). Ce modèle cherche à réduire la ségrégation sociale, en utilisant lʼespace public comme lieu dʼintégration (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014). Malgré des limites, cette approche vise à encourager une cohabitation harmonieuse entre différents groupes sociaux et culturels.
La mixité fonctionnelle regroupe des usages variés (résidentiel, commerce, loisirs) dans des quartiers denses et accessibles, promouvant la ville compacte (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014). Cette composition urbaine sʼoppose à lʼétalement périurbain et renforce les interactions entre les populations et les fonctions dans un cadre géographique rapproché (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014).
La forme urbaine évolue vers une organisation plus « hétérogène », où la proximité favorise la diversité et lʼattractivité (Zweig, S., 1981). Cependant, des défis subsistent, tels que les tensions entre mobilité et ségrégation ou la gentrification, qui peuvent diluer la diversité initiale (Donzelot, J., 2004). Les espaces publics jouent ici un rôle crucial comme médiateurs entre les différentes composantes sociales et culturelles de la ville (Legrand, M., Meunier-Chabert, M., 2019). De ce fait, lʼobjectif de la mixité, tant dans lʼhabitat que dans les fonctions, est de renforcer lʼintégration et la diversité dans la ville, tout en contribuant à une forme urbaine résiliente et vivante.
La notion de mixité en urbanisme englobe plusieurs dimensions interconnectées, notamment la diversité de lʼhabitat, la mixité fonctionnelle et sociale, et la proximité des usages (Bentley, I., 1985). Elle reflète les efforts dʼéquilibrer les usages incompatibles et de répondre à des aspirations urbaines modernes tout en surmontant les héritages du passé (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014).
La diversité de lʼhabitat est liée à la mixité sociale, qui cherche à mêler dans un même espace des logements de différentes catégories : logements privés, publics, locatifs, ou en propriété (Schoonbrodt, R., Maréchal, L., 2002). Cette composition favorise lʼintégration sociale et culturelle grâce à lʼespace public, considéré comme un médiateur essentiel (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014). Cependant, cette approche ne garantit pas toujours une intégration économique visible (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014). Lʼidée est de créer une cohabitation résidentielle qui reflète une richesse dʼhabitats et des usages variés.
La mixité fonctionnelle regroupe les fonctions urbaines compatibles, telles que les activités résidentielles, tertiaires, et les équipements culturels ou sociaux. Ces fonctions, regroupées dans une proximité géographique, renforcent lʼattractivité et la diversité des quartiers. Generallement, la séparation distinctes des fonctions urbaines (avec le zonage, « inspiré par lʼhygiénisme et le fonctionnalisme ») a été critiquée pour avoir intensifier la ségrégation spatiale. Aujourdʼhui, la mixité fonctionnelle redéfinit ces interactions, en valorisant la « ville compacte », une forme urbaine dense et variée (Beaucire, F., Desjardins, X., 2014).

Le principe de la variété selon Ian Bentley met en évidence l'importance de la diversité dans le développement urbain, en suggérant que la variété des usages est essentielle pour créer des environnements urbains dynamiques et attractifs. Bentley affirme que la diversité des activités et des formes contribue à une richesse perceptuelle et à des significations variées dans les espaces urbains, ce qui est crucial pour attirer des personnes différentes à des moments variés.
La mixité urbaine, qui compte la coexistence de fonctions variées au sein des quartiers, est directement liée à cette notion de variété. En favorisant une offre diversifiée de services et d'infrastructures, la mixité urbaine permet de contrer les courants d'exclusion et de promouvoir des environnements plus inclusifs. Bentley appuie également que la simple juxtaposition d'activités ne suffit pas, mais qu’il est nécessaire que les usages interagissent de manière mutuellement bénéfique pour que la variété soit efficace. Ainsi, la diversité des habitats et des fonctions est essentielle pour renforcer l'intégration sociale et améliorer la qualité de vie urbaine. L’approche est pour répondre ainsi aux défis d'une ville plus juste et équitable.

Participation citoyenne
La participation citoyenne est un processus par lequel les résidents s'impliquent activement dans la prise de décisions concernant leur environnement de vie. Elle leur permet de co-créer les espaces urbains en fonction de leurs besoins et aspirations. L'appropriation citoyenne se définit comme un processus où les habitants se sentent responsables et s'engagent dans la construction, la transformation et la signification de leurs espaces urbains.
Cette approche trouve ses racines dans les travaux fondateurs de Kevin Lynch, qui, dans The Image of the City (1960), a démontré comment les citoyens perçoivent et interagissent mentalement avec leur environnement urbain. Il explore notamment la notion d'imageabilité, soit la capacité d'un environnement physique à évoquer une image mentale claire et structurée chez l'observateur. Cette imageabilité est essentielle pour l'orientation, la sécurité émotionnelle et le sentiment d'appartenance des citoyens : « … they can help in engendering emotional security and a sense of place-based ownership that comes from one’s ability to recognize familiar territory » (Lynch, K., 1960).
La relation entre la participation citoyenne et les quartiers écologiques permet de créer des environnements durables. Les citoyens impliqués dans la planification et la gestion de leur quartier peuvent proposer des solutions innovantes pour améliorer l'habitabilité durable et promouvoir une écologie sociale. Jane Jacobs affirme : « A ‘great’ city is comprised of multiple districts or neighbourhoods. Each of these neighbourhoods must provide for the needs of a broad array of property owners, businesses, residents, and visitors; and this necessarily requires a mix of land uses throughout the neighbourhood » (Jacobs, J. 2012). Cette inclusivité favorise un sentiment d'appartenance et contribue à la création d'une identité locale forte.
La mixité sociale et fonctionnelle est cruciale pour renforcer la diversité, les interactions sociales et l'identité locale. La participation citoyenne contribue à cette mixité en veillant à ce que les projets urbains répondent aux besoins de tous les groupes sociaux. Elle encourage les interactions entre résidents, créant un sentiment de communauté et d’appartenance. Murray Bookchin dans The modern Crisis (1987), introduit le concept d'écologie sociale, où le principe écologique de l'unité dans la diversité se transforme en un principe social riche et nuancé.
Ian Bentley et ses collègues soulignent l'importance de créer des environnements offrant un maximum de choix et de contrôle aux utilisateurs. Cette perspective implique une conception urbaine flexible, capable de s'adapter aux besoins évolutifs des communautés. La robustesse urbaine se planifie à deux échelles : architecturale et urbaine. Au niveau des bâtiments, cela signifie la capacité de transformer l'usage par des conceptions internes modulables. Pour les espaces publics, il s'agit de créer des lieux polyvalents permettant une cohabitation harmonieuse et variée. Il est toutefois essentiel de prévoir l'impact de la personnalisation sur l'espace public, afin de garantir un équilibre entre expressions individuelles et cohérence visuelle.
L'appropriation citoyenne repositionne la ville : elle n'est plus un espace figé, mais un organisme vivant et constamment reconstruit par ses habitants. Les citoyens passent du statut de bénéficiaires passifs à celui d'acteurs essentiels de la conception urbaine, garantissant des espaces plus inclusifs, durables et véritablement adaptés aux besoins réels des communautés. Henri Lefebvre avait déjà théorisé le « droit à la ville » comme un droit collectif de transformer l'espace urbain selon les désirs des habitants.
En conclusion, la participation et l'appropriation citoyenne sont fondamentales pour créer une ville inclusive. En impliquant les résidents à toutes les étapes du processus de conception urbaine, les projets peuvent refléter les besoins et les aspirations de la communauté, tout en favorisant une mixité sociale, une résilience écologique et une habitabilité durable.

Une ville inclusive est le fruit d’une combinaison harmonieuse entre résilience urbaine, mixité sociale, mixité fonctionnelle et participation citoyenne. Ces principes, interconnectés, permettent de créer des environnements équitables, durables et adaptés à tous les citoyens. À travers des politiques inclusives et des initiatives participatives, il est possible de bâtir des villes où chaque individu a la possibilité de s’épanouir pleinement.